Voici un artiste qui brûle les étapes de la renommée. Il s'appelle Levalet, il a tout juste trente ans, il a commencé son travail plastique il n'y a pas six ans et dispose déjà - quelques soixante-dix expositions plus tard - d'un rayonnement qui va crescendo et d'un public de dèles qui dépasse les frontières de l'hexagone.
Autant de signes qui ne trompent pas : voilà un vrai talent de dessinateur qui fait époque parce qu'il parle d'elle sans en être l'esclave, produit des images qui s'adressent à tous en secouant les certitudes de chacun, invente un art urbain qui squatte les rues pour souligner leur grand défaut d'urbanité. En bref, un singulier cocktail que ce livre présente avec ses photos somptueuses et une analyse qui s'emploie à démêler les ls constituants de son art. A la di érence du street art, Levalet ne se sert pas de la rue comme d'une vitrine pour y déposer son oeuvre, mais comme d'une matière première qu'il travaille pour en révéler avec une ironie tendre les curiosités, les ambiguïtés, le mal-de-vivre. Il privilégie ainsi souvent les quartiers oubliés ou reprisés comme de vieilles chaussettes, les lieux décriés et meurtris par le temps, pour y installer un art qui n'y est pas attendu, qui y parait déplacé et qui, pour cela, interroge et fascine. Et il y fait preuve d'une bienveillante générosité, car à l'opposé de beaucoup de ses confrères qui réservent aux murs des rues les reproductions multiples et de simples tirages numériques, il o re, lui, le somptueux cadeau de ses oeuvres uniques et originales. Avec ses images collées, Levalet compose des histoires qui déroutent l'oeil de qui les regarde, mais il se défend d'être un marchand d'orviétan qui ne chercherait qu'à tromper son monde. Tout au contraire, il manie l'illusion comme un jeu, et s'il invite un moment à y succomber, c'est pour avoir le plaisir d'en sortir. Le mirage est, chez lui, célébré pour qu'il s'estompe in ne dans la jubilation festive d'une prise de conscience. Auteur d'une oeuvre multiple, cultivant volontiers le paradoxe et l'humour, Levalet sait aussi composer des expositions en galeries pour y mêler les dessins de ses personnages et tout un capharnaüm d'objets qu'il « déshabille » et recompose pour leur faire dire tout autre chose que ce que leur utilité révèle dans la vie courante, selon les décalages d'une poésie et d'une fantaisie qui lui appartiennent en propre. Avec lui une chose est sûre : nous tenons là un artiste original et qui possède déjà à fond tout le grand talent d'un « vieux briscard ».
De tout temps, capitaines d'industrie et boss du commerce transcendent leurs trajectoires par le mécénat. Une façon de partager leurs bonnes fortunes en élevant l'âme de leurs concitoyens au travers d'un soutien à toutes les formes d'arts. Cette quête formalise un rêve fraternel : celui de fédérer les coeurs et les esprits au gré des affinités esthétiques. La beauté comme ticket d'un bonheur universel. A Tours, nombre de grandes familles sacrifient à l'humaniste tradition. Parmi elles, les Duthoo. Débarqué des marches bataves, Arthur s'ancre aux bords de Loire en 1880. Il ouvre avec son épouse Germaine, née Delaleu, le Grand Bazar, rue Nationale. Le magasin se développe, croît, embellit, devient les Nouvelles Galeries, épicentre du négoce de la ville. L'aventure nourrit l'aisance d'une famille ambitieuse. Madeleine, Jacques et Jean pérennisent la dynamique économique de la dynastie. En marge des affaires florissantes, la lignée fête Jacques particulièrement. Ce peintre émule de Mondrian, Kandinsky et Paul Kleee illustre la sensibilité artistique des Duthoo. Disparu trop tôt en 1960, à l'âge de 50 ans, cet artiste complet peignait la nuit, à la lumière artificielle en écoutant dans le calme de la musique classique. Soixante ans plus tard, son aventure intérieure agit comme un facétieux clin d'oeil aux graffeurs invités au parking Gambetta. Dans ce garage à quatre niveaux, courant sur 3.000 m2 coté Monoprix en bord de fleuve, qui tutoie les reliques d'un site gallo-romain, les artistes déroulent une fresque vivante et contemporaine. Leurs graffs poétiques ou flashy réjouissent le dédale des autos. Ils brossent un jeu de l'oie où la clientèle du Monoprix puise une optimiste et insatiable curiosité.