Comment un art de la signature, d'abord localisé, a-t-il pu en une douzaine d'années envahir le monde et susciter des développements typographiques aussi poussés et originaux ? Comment, depuis l'abandon d'une culture de gang, au sein d'une architecture dégradée et pauvre, des hommes et des femmes ont-ils défini le socle hypergraphique de ce mouvement ? Par jeu. Oui simplement par jeu. Un jeu de la vie totale et de la mort transfigurée. Selon des règles primitives et tribales.
L'histoire du Graffiti est un immense continent morcelé en milliers d'ilots parfois connectés parfois discontinus. Des milliers d'adolescences entièrement dévolues à cette pratique obsédante, des milliers de vies viscéralement attachées à ce mouvement.
Sous la direction de Lokiss, figure historique du graffiti européen, cet ouvrage a pour ambition d'en dresser l'histoire, d'en étudier les signes et le langage, en abordant de façon conjointe l'aspect artistique et ses prolongements socio-politiques. La convergence de ces deux problématiques, celle de l'art et celle de son intégration dans la sphère sociale et politique, au sein d'une culture initialement basée sur l'illégalité, mérite une analyse poussée. Il s'agit d'éclairer cette « interaction » historique, entre la rue et l'art. Entre le vandalisme du bien public et le musée du bien culturel.
Les auteurs nous livrent une histoire de l'art « embarquée », au contact de la culture dont elle se veut la description. Des interviews émaillent l'ouvrage, ainsi qu'un black book, sur la surface duquel Lokiss nous entraîne à la découverte chronologique de cette multitude de styles.
Cet ouvrage se veut un état des lieux de la culture graffiti à travers le portrait vivant et dynamique de quinze artistes internationaux, réunis par Lokiss, figure historique du graffiti hexagonal. En deux cents pages sont dévoilés les travaux en cours de ces artistes novateurs, qui se nomment volontiers writers, montrant la dynamique de cette culture sous toutes ses formes, même les plus éloignées, même les moins identifiables, rebelles aux catégories que la critique d'art leur associe parfois.« Ce que le street art ne dit pas », formule provocatrice, ce livre le montrera. Le nommera. Philippe Baudelocque, Proembrion, Keith K. Hopewell... Artistes parfois connus et déjà installés dans le monde de l'art contemporain, comme Boris Tellegen alias Delta, ou l'artiste français Lek qui réside à la Villa Médicis en 2016.Véritable manifeste visuel, l'ouvrage déploie un panorama vivant, varié et surtout contemporain de cette « écriture urbaine », à travers les quinze créations majoritairement murales faites pour ce projet. Elles font l'objet, à chaque étape de leur réalisation, d'un décryptage photographique mis en pages et illustré par Lokiss lui-même.Ce dernier suit le travail d'artistes qui ont chacun développé une écriture originale sur la scène européenne et au-delà. Leur langue est le writing. Un vocabulaire qu'ils utilisent, pervertissent, recyclent, oublient tour à tour, pour créer une dynamique de formes inédite.L'urgence déclarée est d'entrer dans les brèches où l'histoire de l'art n'a jamais osé mettre les pieds ces lieux périphériques et de partir à la rencontre de ceux que l'on voit sans voir et qui ont pourtant marqué des générations entières d'artistes.Dans ces chapelles souterraines, que le street art ne cultive pas, lui qui aime la lumière et, finalement, le conforme.